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En mémoire de Cartier et des arts de l'Islam

Dernière mise à jour : 23 juin

L’art islamique a transformé le monde de la joaillerie. Et une fois que l’on comprend ce lien, on ne regarde plus jamais un bijou de la même façon.


C’est précisément la promesse de l’exposition « Cartier et les arts de l’Islam – Aux sources de la modernité », présentée par le Musée des Arts Décoratifs de Paris. Du 21 octobre 2021 au 20 février 2022, le public a été invité à découvrir certaines des plus grandes réalisations de la maison Cartier, mises en regard avec les œuvres d’art islamique qui les ont inspirées.


L’exposition rassemblait plus de 500 pièces. Les vedettes incontestées étaient bien sûr les bijoux et objets d’art signés Cartier, accompagnés de chefs-d’œuvre de l’art islamique. Des dessins, des livres, des photographies et des documents d’archives venaient enrichir ce dialogue et retracer les liens profonds entre les deux univers.

Il s’agissait d’un projet d’envergure mené conjointement par le Musée des Arts Décoratifs, le Dallas Museum of Art, le musée du Louvre et la Maison Cartier.


Avant de plonger dans cette exposition fascinante, revenons sur l’histoire de Cartier et sa rencontre féconde avec l’art islamique.

Si ce type d’exposition vous passionne, pensez à réserver une visite privée de la collection d’arts de l’Islam du Louvre avec MATAHAFI, ainsi qu’un Jewellery Tour animé par ma collègue Toma.



Toma and Matahafi guide arabic Paris
Souhail et Toma - Louvre de Paris

L'héritage de Cartier et sa dette envers l'art islamique


Louis-François Cartier lance son prestigieux empire de joaillerie en 1847. C'est cette année-là qu'il reprend l'atelier parisien d'Adolphe Picard, qui lui apprend tout ce qu'il sait.

louis francois cartier photography
Louis-François Cartier

Mais si Louis-François et plus tard son fils Alfred ont assurément créé des pièces raffinées, grâce à un savoir-faire exceptionnel, ce ne sont pas eux qui ont fait du nom « Cartier » un synonyme de haute joaillerie.


La troisième génération de Louis, Pierre et Jacques a fait rayonner la marque dans le monde entier. Ils ont pris les rênes à l'aube du XXe siècle, alors que tout était sur le point de changer.


Chacun a pris le contrôle d'un siège social de la maison. Louis a pris Paris, Pierre New York et Jacques Londres. Sous leur direction, Cartier est devenu « le joaillier des rois et le roi des joailliers », comme l'a déclaré le roi d'Angleterre, Édouard VII.


Qu'est-ce qui rendait leur travail si spécial ?


Ces hommes étaient des amoureux et des connaisseurs des beaux-arts. Cela a accru leur raffinement et a donné naissance à une philosophie du design immédiatement perceptible.


Mais c'est aussi leur sensibilité internationale et cosmopolite qui a apporté une touche d'exotisme. Cela était particulièrement vrai à la succursale parisienne.


Louis et l’art islamique

C’est à Paris que Louis Cartier introduisit des motifs et des innovations qui allaient transformer de manière spectaculaire l’univers de la joaillerie.

Au début du XXᵉ siècle, Paris était un véritable creuset de croisements culturels, stimulé par les nombreuses expositions universelles et orientalistes qui avaient marqué les décennies précédentes. Le tout était amplifié par un public européen avide d’art venu de terres lointaines.

Les frères Cartier n’échappaient pas à cette fascination. Ils collectionnaient toutes sortes d’œuvres, en particulier celles issues du monde islamique. Et lorsqu’on observe ces pièces, on comprend combien elles ont influencé les créations ultérieures de la maison.

L’art islamique met l’accent sur la géométrie, l’abstraction, et des décors floraux d’une extrême finesse, tout en interdisant globalement la représentation figurative. Les artistes islamiques ont ainsi développé des techniques sophistiquées pour créer des entrelacs géométriques, des arabesques complexes, le tout harmonieusement lié par la calligraphie.

À cette époque, l’art européen, notamment dans le courant Art nouveau, s’inspirait déjà largement du monde végétal, avec ses lignes fluides et sinueuses. Ce qui différenciait vraiment l’art islamique, c’étaient donc ses motifs géométriques. Louis Cartier sut les réinterpréter avec brio dans ses bijoux et objets d’art.



Influence moghole et indienne dans les Tutti Frutti

De son côté, Jacques Cartier effectua de nombreux voyages en Inde, où l’esthétique raffinée des souverains moghols — d’héritage islamique — laissa une empreinte durable dans son imaginaire. Leur joaillerie, en particulier, devint pour lui une référence quasi mythique : par sa complexité, l’éclat de ses pierres précieuses, et l’audace de ses couleurs.



Les joailliers de l’époque moghole utilisaient souvent une technique appelée cut-down, qui consistait à sertir les pierres de manière à maximiser leur éclat, sans l’encombrement des griffes métalliques visibles. Les ateliers de Cartier ont su adapter ces savoir-faire, en intégrant dans leurs créations des émeraudes, saphirs et rubis finement sculptés.

Ces éléments venus d’Orient ont été associés à la précision occidentale de la haute joaillerie, donnant naissance à un mélange enivrant entre l’Est et l’Ouest.

En parallèle, Cartier commence à utiliser des matériaux comme le platine — une avancée technique majeure qui permet des structures à la fois solides et d’une finesse extrême.

Les créations Tutti Frutti sont l’exemple le plus éclatant de cette rencontre culturelle et technologique. Là où la joaillerie occidentale demeurait souvent monochrome, ces pièces débordaient de vie comme une corne d’abondance : baies de rubis, feuilles d’émeraude et bourgeons de saphir s’y suspendent avec gourmandise, en une multitude de formes et de tailles.

Aujourd’hui encore, les pièces Tutti Frutti coupent le souffle et émerveillent le regard.


L’exposition

La scénographie de l’exposition proposait un récit structuré en deux volets. La première partie explorait la fascination de Cartier pour l’art et l’architecture islamiques, ainsi que les sources d’inspiration puisées dans le bouillonnement culturel du Paris du début du XXᵉ siècle.

Dès l’entrée, les visiteurs étaient invités à découvrir un dialogue intime entre les créations de Cartier et les chefs-d’œuvre de l’art islamique, à travers la mise en regard de trois pièces emblématiques de la maison avec des œuvres historiques.

Le long de la galerie nord, le processus créatif se dévoilait à travers les ouvrages issus de la bibliothèque personnelle de Louis Cartier, ainsi que par sa propre collection d’art islamique — reconstituée ici pour la première fois depuis sa dispersion.

Le parcours se poursuivait avec un regard sur le voyage déterminant de Jacques Cartier en Inde en 1911. Ce séjour lui permit de rencontrer des princes locaux et d’élargir la clientèle de Cartier auprès des maharajas. Il y acquit et étudia une vaste collection de bijoux indiens, anciens et contemporains.

La seconde partie de l’exposition, installée dans la galerie sud, mettait l’accent sur le répertoire formel foisonnant inspiré par l’art islamique — dont de nombreuses pièces prêtées par le musée du Louvre, qui abrite la plus riche collection permanente d’art islamique en Europe.

Les créations de Cartier du début du XXᵉ siècle témoignent de découvertes faites à travers les livres d’ornement et d’architecture. On y retrouve des motifs tels que les créneaux en gradins ou les frises de briques vernissées, qui influenceront plus tard le style Art déco consacré lors de l’Exposition internationale de Paris en 1925.

Enfin, une installation numérique conçue par le studio DS+R enrichissait l’expérience des visiteurs, en leur offrant une immersion interactive dans les processus créatifs de la maison. Il s’agissait là de la première fois qu’un tel travail de recherche était mené autour de la genèse artistique d’une grande maison de joaillerie.


L’équipe curatoriale


L’exposition a été conçue par une équipe remarquable dirigée par Évelyne Possémé, conservatrice en chef du département des bijoux au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Elle a travaillé en étroite collaboration avec Judith Henon-Raynaud, conservatrice générale du patrimoine et directrice adjointe du département des Arts de l’Islam au musée du Louvre.

Elles ont été rejointes par Sarah Schleuning, conservatrice en chef par intérim et conservatrice principale des arts décoratifs et du design au Dallas Museum of Art, ainsi que par Dr. Heather Ecker, conservatrice de l’art islamique et médiéval dans le même musée.

La scénographie a été assurée par le célèbre cabinet d’architecture Diller Scofidio + Renfro (DS+R)


Une célébration de l’art islamique et de la Maison Cartier

Cette page d’histoire de l’art et du design nous montre à quel point les styles peuvent devenir puissants lorsqu’ils voyagent entre les cultures.

Elle nous rappelle aussi les trésors esthétiques qui nous attendent dans le monde fascinant des arts de l’Islam.

Si vous rêvez de plonger dans un univers d’arabesques tourbillonnantes et de réseaux géométriques raffinés, nous avons exactement la visite qu’il vous faut.

Découvrez le département des Arts de l’Islam du Louvre, accompagné d’un guide passionné.

Réservez votre visite avec Toma et moi, Souheil.



 
 
 

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